La Géocriminologie

Merci pour la post, SD.

Qui aurait cru un jour que la sécurité publique serait en grande partie entre les mains des cartographes? De nos jours, les agences gouvernementales en matière de sécurité publique font souvent appel aux professionnels des systèmes d’information géographique. Leur dessein principal est simple: mettre la technologie à leur service afin d’augmenter la sécurité publique. Compte tenu que nous sommes présentement dans un contexte international instable où le terrorisme effraye beaucoup de gens, les sommes investies dans la géocriminologie atteignent à notre époque des sommets. Mais ces investissements en valent-ils vraiment la peine? Lumière sur la géographie criminologique, communément appelée «crime mapping».

Avec l’arrivée des micro-ordinateurs au cours de la décennie 1980, la géocriminologie a pris une ampleur sans précédent. Définissons d’abord ce terme: la géocriminologie est grosso modo l’utilisation de systèmes d’information géographique et de la cartographie au sein d’une recherche et analyse criminologique. Comme l’affirme Claire Cunty, géographe et chef de conférence à l’Université Lumière à Lyon, on peut scinder sa définition en deux spécialités distinctes. La première n’a trait qu’aux résultats généraux d’ordre statistique (cartes synoptiques). La seconde utilisation concerne plus spécialement la traque individuelle (analyse comportementale facilitant l’appréhension du criminel en question). Habituellement, trois variables géographiques sont utilisés: le lieu du crime, l’origine de l’agresseur et celle de la victime.

Ainsi, en pratique, l’utilisation du «crime mapping» peut s’avérer extrêmement avantageuse et profitable pour les corps policiers. Toutefois, il n’en est pas ainsi dans tous les pays. À titre d’exemple, la législation française interdit la divulgation publique de l’adresse d’un criminel potentiel. En conséquence, seule la localisation des faits est l’objet d’analyses et de recherches. En opposition, aux États-Unis, où l’État ne limite pas l’accès aux adresses des criminels, des études ont conclu que les auteurs d’infraction, afin d’éviter d’éventuels soupçons, commettent que très rarement leurs mauvaises actions près de chez eux, sans toutefois se déplacer à plusieurs kilomètres de distance. L’exploitation maximale des données fournies permet donc aux cartographes, conjointement avec les criminologues, d’analyser les données spatiales qui, au final, résulte en un polygone délimitant une zone dans laquelle la résidence du criminel est susceptible d’être. Par ailleurs, en perfectionnant les analyses, en les comparant les unes aux autres et en établissant des corrélations liées à la criminologie, il est possible de dégager une certaine topographie caractéristique à chaque type de crime, de sorte que la véracité ainsi que l’exactitude des polygones sont de plus en plus justes.

Néanmoins, alors que l’utilisation des systèmes d’information géographique en criminologie semble avoir des conséquences miraculeuses quant à la résolution de crimes, une question d’ordre éthique me vient à l’esprit. Bien que l’exploitation des données spatiales géographiques soit très utile aux corps policiers, va-t-on trop loin dans la diffusion d’information personnelle? Par exemple, les autorités gouvernementales de plusieurs états des États-Unis ont pris la décision de rendre publique sur le web, dans l’optique de protéger leur population, des cartes géographiques indiquant clairement le lieu de résidence de personnes ayant été condamnées de viol, des « sex offenders ». À quel point pouvons-nous divulguer des informations personnelles au nom de la prévention? Je crois qu’il faut garder en mémoire que la géocriminologie ne détient pas la vérité absolue. Les logiciels informatiques peuvent indiquer des corrélations, susciter des réflexions ou des interrogations, mais ils ne peuvent en aucun cas servir de preuves uniques, certaines et indubitables.

Alors que l’utilisation et surtout la diffusion publique de la géocriminologie ne fait pas l’unanimité, les progrès dans ce domaine, quant à eux, sont tangibles. Maintenant, la géocriminologie n’est plus seulement une affaire concernant les cartographes ainsi que les criminologues, elle met dorénavant en scène des acteurs tels que des sociologues, des psychologues, etc. Le travail d’analyse et d’interprétation des données spatiales dépassent désormais les cadres de la géographie.

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